AUGUST RUSH
AUGUST RUSH
De Kristen SHERIDAN (2006)
Difficile de parler d'un film tel que celui-ci. C'est le genre que l'on adore ou que l'on déteste. Qui nous émeut ou qui nous indiffère. Que l'on encense ou que l'on critique violemment. Un conte musical hors norme qui ne peut se juger sur ses qualités ou ses faiblesses, tellement elles sont toutes deux nombreuses, mais sur son ensemble au final assurément brillant et sincère, bien que d'aucuns le trouveront dégoulinant de bons sentiments.
Difficile en effet pour certains de croire en ce prodige né, à l'oreille parfaite (acoustiquement parlant) qui entend la musique partout et de n'importe quoi. A l'instar de Björk dans Dancer in the dark, les bruits de la rue se transforme en symphonie, à laquelle viennent se mêler des instruments comme des sirènes de pompiers, des aboiements de chiens, le bruit dun sac plastique, le rebond d'un ballon de basket, ou sur un plan plus bucolique, le vent dans les branches des arbres ou le doux froissement des épis de blé. Difficile encore d'accepter le fait que la toute première fois qu'il touche une guitare, il fasse un morceau en taping et en harmonique de surcroît. Difficile toujours de voir qu'il peut écrire la musique en solfège après l'explication plutôt sommaire d'une toute jeune chanteuse de gospel et la jouer sur un orgue d'église aux nombreuses pédales de résonances.
Mais c'est comme ça. Le génie ça ne s'explique pas. Tout comme Mozart faisant ses gammes à trois ans et écrivant sa première symphonie à six. Tout comme Beethoven, sourd, et l'oreille collée à son piano afin d'en sentir les vibrations, pour écrire les plus belles symphonies du classique. Le fait est qu'il s'agit d'un vibrant hommage à la musique, et aux musiciens de tous bords. Une musique omniprésente donc dans ce film aux plans superbes d'archets sur des cordes, de doigts agiles sur des manches de guitares, de regards sensibles aux notes qui prennent aux tripes d'un public conquis et sous le charme. Des plans qui alternent la musique classique d'une jolie violoncelliste (Keri Russell qui interprète elle-même un morceau de Beethoven), et le folk enjoué d'un guitariste passionné à la voix sensible et profonde (Johnatan Rhys Meyer qui chante lui aussi sur les compositions du film).
Une histoire d'amour, celle de la musique qui réunit deux êtres pour une nuit, d'où naîtra ce génie qui n'aura de cesse de réunir ses parents. Le jeune Freddie Highmore, vu récemment dans Arthur et les minimoys, prend le chemin d'Haley Joël Hosment. Doué, sensible et appliqué, il donne corps à August Rush, un musicien né, un brin exploité par Robin Williams dans un rôle un peu mystérieux, exploitant des enfants musiciens pour survivre à une vie qui semble ne pas l'avoir épargné. Il est en effet surprenant de le voir jouer les releveurs de compteurs parmi cette cour des miracles un peu particulière.
Une bande son prépondérante et d'une importance capitale confiée aux bons soins de Mark Mancina qui avait déjà fait du très bon travail sur les partitions de Tarzan (en compagnie de Phil Collins). Des compositions aussi belles qu'originales (duels de guitares, compos folk et classiques) qui servent un film d'une profonde sincérité et d'une beauté quasi mystique. Et c'est un peu ce qui le sauve du nanar qui se prend pour un grand et beau film. Et pourtant c'est ce qu'il est. Un nanar à l'eau de rose, improbable et téléphoné. Grand, par le sujet et la façon dont il est traité. Beau, par les nombreux cadres très travaillés et la très belle lumière. Et sublime enfin par toutes ces notes qui vous font hérisser le poil, pour peu que vous soyez un tant soit peu amoureux de la musique, la vraie, celle qui sort du coeur et qui est jouée avec tripes et conviction.
Un film coup de coeur en ce qui me concerne, malgré l'histoire téléphonée et un peu gnangnan sur les bords, qui ne manquera pas d'avoir autant de conquis que de détracteurs, et finalement réservé à ceux qui croient encore aux contes d'un autre temps, pas si lointain. Il suffit pour l'apprécier de se laisser embarquer, en retrouvant un peu de son âme d'enfant lorsque nos mamans nous racontaient des histoires formidables. Vous aurez deviné que je suis des premiers (conquis donc) au regard des louanges que je viens de faire, pour un film qui me parle d'une manière rare et inespérée. Un film où règne une poésie certaine. Pas celle des mots, mais celle des notes. Celle du coeur. Maintenant, c'est à vous de voir ...Ou pas. 18/20